lunes, 23 de noviembre de 2015

!º Bachibac Unité 2 La Liberté




I -  QU’EST-CE QUE LA LIBERTÉ?


           



            Est libre ce qui est cause de soi. Ce qui n'est donc pas pour soi cause d'action n'est pas libre dans son agir. Or les êtres qui ne se meuvent ou n'agissent que par le mouvement d'un autre, ne sont pas pour eux-mêmes cause d'activité. Et donc les seuls êtres qui se meuvent eux-mêmes sont libres dans leur action. Eux seuls agissent par jugement, car ce qui se meut soi-même se distingue en moteur et mobile, le moteur étant l'appétit mû par l'intellect, l'imagination ou le sens, auxquels il appartient de juger. Parmi tous ces êtres, ceux-là seuls jugent donc librement qui se meuvent dans l'acte du jugement.(....)Et donc, les animaux dénués de raison sont, d'une certaine manière, de mouvement ou, d'action libre, mais non de jugement libre; les êtres inanimés qui ne sont mus que par d'autres, ne sont même pas libres d'action ou de mouvement; quant aux êtres doués d'intelligence, ils sont libres non seulement d'action mais de jugement ce qui signifie qu'ils possèdent le libre arbitre.
Certains êtres manquent de la liberté du jugement, ou bien parce qu'ils n'ont aucun jugement, comme ceux qui sont dénués de connaissance: les pierres, les plantes; ou bien parce que leur jugement est déterminé à un seul objet, comme les animaux sans raison: c'est par une estimation de nature que la brebis juge que le loup lui est ennemi, et ce jugement la décide à fuir; et de même pour les autres choses. Donc, tout être qui possède un jugement pratique non déterminé à un seul parti par la nature est nécessairement doué de libre arbitre. Or tels sont tous les êtres intellectuels. Car l'intellect n'appréhende pas seulement tel ou tel bien, mais le bien commun lui-même. Et donc, puisque l'intellect meut la volonté par la proportionnés, il en résulte que la volonté de la substance intellectuelle ne sera déterminée naturellement que par rapport au bien commun. Tout ce qui sera donc présenté à la volonté sous la raison de bien pourra être l'objet de son inclination, sans qu'aucune détermination contraire de la nature s'y oppose. Par conséquent, tous les êtres intellectuels jouissent d'une volonté libre, procédant du jugement de l'intellect. C'est là posséder le libre arbitre, qui se définit: un libre jugement venant de la raison.
                                    Saint Thomas d’Aquin, Somme contre les gentils
           

           

Une opinion vulgairement répandue nomme esclave celui qui agit sur l'ordre d'un autre, et homme libre celui qui se conduit comme il le veut. Cette manière de voir n'est pas tout à fait conforme à la vérité. En fait, l'individu entraîné par une concupiscence personnelle au point de ne plus rien voir ni faire de ce qu'exige son intérêt authentique est soumis au pire des esclavages. Au contraire, on devra proclamer libre l'individu qui choisit volontairement de guider sa vie sur la raison. Quant à la conduite déclenchée par un commandement, c'est-à-dire l'obéissance, bien qu'elle supprime en un sens la liberté, elle n'entraîne cependant pas immédiatement pour un agent la qualité d'esclave. Il faut considérer avant tout, à cet égard, la signification particulière de l'action. À supposer que la fin de l'action serve l'intérêt non de l'agent, mais de celui qui commande l'action, celui qui l'accomplit n'est en effet qu'un esclave, hors d'état de réaliser son intérêt propre. Toutefois dans toute libre République et dans tout État où n'est point pris pour loi suprême le salut de la personne qui donne les ordres, mais celui du peuple entier, l'individu docile à la souveraine Puissance ne doit pas être qualifié d'esclave hors d'état de réaliser son intérêt propre. Il est bien un sujet. Ainsi la communauté politique la plus libre est celle dont les lois s'appuient sur la saine raison. Car, dans une organisation fondée de cette manière, chacun, s'il le veut, peut être libre, c'est-à-dire s'appliquer de tout son coeur à vivre raisonnablement. De même, les enfants, bien qu'obligés d'obéir à tous les ordres des parents, ne sont cependant pas des esclaves; car les ordres des parents sont inspirés avant tout par l'intérêt des enfants. Il existe donc, selon nous, une grande différence entre un esclave, un fils, un sujet, et nous formulerons les définitions suivantes : l'esclave est obligé de se soumettre à des ordres fondés sur le seul intérêt de son maître; le fils accomplit sur l'ordre de ses parents des actions qui sont dans son intérêt propre ; le sujet enfin accomplit sur l'ordre de la souveraine Puissance des actions visant à l'intérêt général et qui sont par conséquent aussi dans son intérêt particulier.
                                             Baruch Spinoza, Traité Théologico-politique

           
           

           













VIII N'attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ; décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux.
IX La maladie est une gêne pour le corps ; pas pour la liberté de choisir, à moins qu'on ne
l'abdique soi-même. Avoir un pied trop court est une gêne pour le corps, pas pour la liberté de choisir. Aie cette réponse à l'esprit en toute occasion : tu verras que la gêne est pour les choses ou pour les autres, non pour toi.
X Devant tout ce qui t'arrive, pense à rentrer en toi-même et cherche quelle faculté tu possèdes pour y faire face. Tu aperçois un beau garçon, une belle fille ? Trouve en toi la tempérance. Tu souffres ? Trouve l'endurance. On t'insulte ? Trouve la patience. En t'exerçant ainsi tu ne seras plus le jouet de tes représentations.
XIX 1. Tu peux être invaincu, si jamais tu n'engages de lutte où la victoire ne dépende pas de toi. 2. Garde-toi d'estimer heureux un homme choisi pour une charge officielle, ou très puissant, ou jouissant, pour une raison ou une autre, de l'estime publique. En effet, si l'essence du bien réside dans ce qui dépend de nous, il n'y a de raison ni d'être jaloux, ni d'être envieux. Quant à toi, ce n'est pas général, magistrat ou consul que tu veux être, mais libre ; or, pour y arriver, il n'y a qu'un chemin : le mépris de ce qui ne dépend pas de nous.
                                                                  Épictète, Manuel




La liberté n’est pas dans une indépendance rêvée à l’égard des lois de la nature, mais dans la connaissance de ces lois et dans la possibilité donnée par là même de les mettre en œuvre méthodiquement pour des fins déterminées. Cela est vrai aussi bien des lois de la nature extérieure que de celles qui régissent l’existence physique et psychique de l’homme lui-même, – deux classes de lois que nous pouvons séparer tout au plus dans la représentation, mais non dans la réalité. La liberté de la volonté ne signifie donc pas autre chose que la faculté de décider en connaissance de cause. Donc, plus le jugement d’un homme est libre sur une question déterminée, plus grande est la nécessité qui détermine la teneur de ce jugement ; tandis que l’incertitude reposant sur l’ignorance, qui choisit en apparence arbitrairement entre de nombreuses possibilités de décision diverses et contradictoires, ne manifeste précisément par là que sa non-liberté, sa soumission à l’objet qu’elle devrait justement se soumettre. La liberté consiste par conséquent dans l’empire sur nous- mêmes et sur la nature extérieure, fondé sur la connaissance des nécessités naturelles."
                                                               F. Engels, Anti-Düring








II LA LIBERTÉ, EXISTE-T-ELLE?



Quant à l'évidence du sentiment, que chacun de nous s'écoute et se consulte soi-même, il sentira qu'il est libre, comme il sentira qu'il est raisonnable.(....)Mais parce que dans les délibérations importantes, il y a toujours quelque raison qui nous détermine, et qu'on peut croire que cette raison fait dans notre volonté une nécessité secrète, dont notre âme ne s'aperçoit pas; pour sentir évidemment notre liberté, il en faut faire l'épreuve dans les choses où il n'y a aucune raison qui nous penche d'un côté plutôt que d'un autre. Je sens, par exemple, que levant ma main, je puis ou vouloir la tenir immobile, ou vouloir lui donner du mouvement; et que me résolvant à la mouvoir, je puis où la mouvoir à droite ou à gauche avec une égale faculté : car la nature a tellement disposé les organes du mouvement, que je n'ai ni plus de peine ni plus de plaisir à l'une de ces actions qu'à l'autre; de sorte que plus je considère sérieusement et profondément ce qui me porte à celui-là plutôt qu'à celui-ci, plus je ressens clairement qu'il n'y a que ma volonté qui m'y détermine, sans que je puisse trouver aucune autre raison de le faire.(.....)J'ai donc un sentiment clair de ma liberté, qui sert à me faire entendre la souveraine liberté de Dieu, et comme il m'a fait à son image. Au reste ayant une fois trouvé en moi-même et dans une seule de mes actions, ce principe de liberté, je conclus qu'il se trouve dans toutes les actions, même dans celles où je suis plus passionné, quoique la passion qui me trouble ne me permette pas peut-être de l'y apercevoir d'abord si clairement.
                Jacques-Bénigne Bossuet, Traité du libre arbitre.




















Ma conception de la liberté. La valeur d’une cause se mesure parfois non à ce qu’on atteint par elle, mais à ce qu’il faut la payer, à ce qu’elle nous coûte. En voici un exemple. Les institutions libérales cessent d’être libérales dès qu’elles sont acquises : ensuite, rien n’est plus systématiquement néfaste à la liberté que les institutions libérales. On ne sait que trop à quoi elles aboutissent : elles minent la volonté de puissance, elles érigent en système moral le nivellement des cimes et des bas-fonds, elles rendent mesquin, lâche et jouisseur - en elles, c’est l’animal grégaire qui triomphe toujours. Libéralisme : en clair, cela signifie abêtissement grégaire... Ces mêmes institutions produisent de tout autres effets aussi longtemps que l’on se bat pour les imposer; alors, elles font puissamment progresser la liberté. A y regarder de plus près, c’est la guerre qui provoque ces effets, la guerre pour obtenir des institutions libérales, qui, en tant que guerre, prolonge l’existence des instincts antilibéraux. -Et la guerre est une école de liberté. Car qu’est-ce que la liberté ? C’est d’avoir la volonté d’être responsable de soi-même. De maintenir la distance qui nous isole des autres. De devenir plus indifférent aux peines, aux épreuves, aux privations, et même à la vie. D’être prêt à sacrifier des hommes à sa cause, sans s’en excepter soi-même. La liberté signifie que les instincts virils, les instincts belliqueux et victorieux, ont le pas sur les autres instincts, par exemple. Celui du «bonheur ». L’homme affranchi, et à plus forte raison, l’esprit affranchi, foule aux pieds l’espèce de bien-être dont rêvent les boutiquiers, les chrétiens, les ruminants, les femmes, les Anglais et autres démocrates. L’homme libre est un guerrier. À quoi mesure-t-on la liberté, chez les individus comme chez les peuples ? A la résistance qu’il faut surmonter, à la peine qu’il en coûte pour garder le dessus. Le type supérieur d’homme libre, faudrait le chercher là où il s’agit constamment de vaincre la résistance la plus forte à quelques pas de la tyrannie, tout près du seuil qui marque le risque d’asservissement. 
                                                                  Nietzsche, Crépuscule des idoles.

           




















Diverses significations données au mot de liberté.

Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manieres, que celui de liberté. Les uns l’ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d’élire celui à qui ils devoient obéir ; d’autres, pour le droit d’être armés, et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilege de n’être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois. Certain peuple a long-temps pris la liberté, pour l’usage de porter une longue barbe. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, et en ont exlu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain, l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique, l’ont placée dans la monarchie. Enfin chacun a appellé liberté le gouvernement qui étoit conforme à ses coutumes, ou à ses inclinations : Et comme dans une république on n’a pas toujours devant les yeux, et d’une maniere si présente, les instrumens des maux dont on se plaint, et que même les lois paroissent y parler plus, et les exécuteurs de la loi y parler moins ; on la place ordinairement dans les républiques, et on l’a exclue des monarchies. Enfin, comme dans les démocraties le peuple paroît à peu près faire ce qu’il veut, on a mis la liberté dans ces sortes de gouvernements, et on a confondu le pouvoir du peuple avec la liberté du peuple.
           

Ce que c’est que la liberté.

Il est vrai que dans les démocraties le peuple paroît faire ce qu’il veut : mais la liberté politique ne consiste point à faire ce que l’on veut. Dans un état, c’est-à-dire dans une société où il y a des lois, la liberté ne peut consister qu’à pouvoir faire ce que l’on doit vouloir, et à n’être point contraint de faire ce que l’on ne doit pas vouloir.
Il faut se mettre dans l’esprit ce que c’est que l’indépendance, et ce que c’est que la liberté. La liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent ; et si un citoyen pouvoit faire ce qu’elles défendent, il n’auroit plus de liberté, parce que les autres auroient tout de même ce pouvoir.
                                                             Montesquieu, De l’esprit des lois

                                                             











III  LA NÉCESSITÉ PEUT-ELLE S’ACCORDER AVEC LA LIBERTÉ?

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         L'argument décisif utilisé par le bon sens contre la liberté consiste à nous rappeler notre impuissance. Loin que nous puissions modifier notre situation à notre gré, il semble que nous ne puissions pas nous changer nous-mêmes. Je ne suis « libre » ni d'échapper au sort de ma classe, de ma nation, de ma famille, ni même d'édifier ma puissance ou ma fortune, ni de vaincre mes appétits les plus insignifiants ou mes habitudes. Je nais ouvrier, Français, hérédo-syphilitique ou tuberculeux. L'histoire d'une vie, quelle qu'elle soit, est l'histoire d'un échec. Le coefficient d'adversité des choses est tel qu'il faut des années de patience pour obtenir le plus infime résultat. Encore faut-il « obéir à la nature pour la commander », c'est-à-dire insérer mon action dans les mailles du déterminisme. Bien plus qu'il ne parait « se faire », l'homme semble « être fait » par le climat et la terre, la race et la classe, la langue, l'histoire de la collectivité dont il fait partie, l'hérédité, les circonstances individuelles de son enfance, les habitudes acquises, les grands et les petits événements de sa vie.
Cet argument n'a jamais profondément troublé les partisans de la liberté humaine : Descartes, le premier, reconnaissait à la fois que la volonté est infinie et qu'il faut « tâcher à nous vaincre plutôt que la fortune ». C'est qu'il convient ici de faire des distinctions ; beaucoup des faits énoncés par les déterministes ne sauraient être pris en considération. Le coefficient d'adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c'est par nous, c'est-à-dire par la position préalable d'une fin, que surgit ce coefficient d'adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire, une aide précieuse si je veux l'escalader pour contempler le paysage. En lui-même - s'il est même possible d'envisager ce qu'il peut être en lui-même - il est neutre, c'est-à- dire qu'il attend d'être éclairé par une fin pour se manifester comme adversaire ou comme auxiliaire. 
                                                        Jean Paul Sartre, L’être et le néant




        





        



Nous devons donc envisager l’état present de l’univers, comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui, pour un instant donné, connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée, et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ces données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvemens des plus grands corps de l’univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé, serait présent à ses yeux. L’esprit humain offre, dans la perfection qu’il a su donner à l’Astronomie, une faible esquisse de cette intelligence. Ses découvertes en Mécanique et en Géométrie, jointes à celle de la pesanteur universelle, l’ont mis à portée de comprendre dans les mêmes expressions analytiques, les états passés et futurs du système du monde. En appliquant la même méthode à quelques autres objets de ses connaissances, il est parvenu à ramener à des lois générales les phénomènes observés, et à prévoir ceux que des circonstances données doivent faire éclore.
Pierre Simon, marquis de Laplace. Essai philosophique sur les probabilités



Les événements amenés par la combinaison ou la rencontre d’autres événements qui appartiennent à des séries indépendantes les unes des autres, sont ce qu’on nomme des événements fortuits, ou des résultats du hasard. Quelques exemples serviront à éclaircir et à fixer cette notion fondamentale.Il prend au bourgeois de Paris la fantaisie de faire une partie de campagne, et il monte sur un chemin de fer pour se rendre à sa destination. Le train éprouve un accident dont le pauvre voyageur est la victime, et la victime fortuite, car les causes qui ont amené l’accident ne tiennent pas à la présence de ce voyageur : elles auraient eu leur cours de la même manière lors même que le voyageur se serait déterminé, par suite d’autres influences, ou de changements survenus dans son monde, à lui, à prendre une autre route ou à attendre un autre train. Que si l’on suppose, au contraire, qu’un motif de curiosité, agissant de la même manière sur un grand nombre de personnes, amène ce jour-là et à cette heure-là une affluence extraordinaire de voyageurs, il pourra bien se faire que le service du chemin de fer en soit dérangé, et que les embarras du service soient la cause déterminante de l’accident. Des séries de causes et d’effets, primitivement indépendantes les unes des autres, cesseront de l’être, et il faudra au contraire reconnaître entre elles un lien étroit de solidarité.
                         Antoine-Augustin Cournot, Essai sur les connaissances




Regardez-y de près, et vous verrez que le mot liberté est un mot vide de sens ; qu'il n'y a point et qu'il ne peut y avoir d'êtres libres ; que nous ne sommes que ce qui convient à l'ordre général, à l'organisation, à l'éducation et à la chaîne des événements. Voilà ce qui dispose de nous invinciblement. On ne conçoit non plus qu'un être agisse sans motif, qu'un des bras d'une balance agisse sans l'action d'un poids, et le motif nous est toujours extérieur, étranger, attaché ou par une nature ou par une cause quelconque, qui n'est pas nous. Ce qui nous trompe, c'est la prodigieuse variété de nos actions, jointe à l'habitude que nous avons prise tout en naissant de confondre le volontaire avec le libre. Nous avons tant loué, tant repris, nous l'avons été tant de fois, que c'est un préjugé bien vieux que celui de croire que nous et les autres voulons, agissons librement. Mais s'il n'y a point de liberté, il n'y a point d'action qui mérite la louange ou le blâme; il n'y a ni vice ni vertu, rien dont il faille récompenser ou châtier. Qu'est-ce qui distingue donc les hommes ? la bienfaisance et la malfaisance. Le malfaisant est un homme qu'il faut détruire et non punir; la bienfaisance est une bonne fortune, et non une vertu. Mais quoique l'homme bien ou malfaisant ne soit pas libre, l'homme n'en est pas moins un être qu'on modifie; c'est par cette raison qu'il faut détruire le malfaisant sur une place publique. De là les bons effets de l'exemple, des discours, de l'éducation, du plaisir, de la douleur, des grandeurs, de la misère, etc.; de là une sorte de philosophie pleine de commisération, qui attache fortement aux bons, qui n'irrite non plus contre le méchant que contre un ouragan qui nous remplit les yeux de poussière. Il n'y a qu'une sorte de causes, à proprement parler; ce sont les causes physiques. Il n'y a qu'une sorte de nécessité; c'est la même pour tous les êtres, quelque distinction qu'il nous plaise d'établir entre eux, ou qui y soit réellement.
                                                         Denis Diderot, Lettre à Paul Landoi








« On a beau vouloir confondre l’indépendance et la liberté. Ces deux choses sont si différentes que même elles s’excluent mutuellement Quand chacun fait ce qu’il lui plaît, on fait souvent ce qui déplaît à d’autres, et cela ne s’appelle pas un état libre. La liberté consiste moins à faire sa volonté qu’à n’être pas soumis à celle d’autrui ; elle consiste encore à ne pas soumettre la volonté d’autrui à la nôtre. Quiconque est maître ne peut être libre, et régner c’est obéir. Vos Magistrats savent cela mieux que personne, eux qui comme Othon, n’omettent rien de servile pour commander. Je ne connais de volonté vraiment libre que celle à laquelle nul n’a droit d’opposer de la résistance ; dans la liberté commune nul n’a droit de faire ce que la liberté d’un autre lui interdit, et la vraie liberté n’est jamais destructive d’elle-même. Ainsi la liberté sans la justice est une véritable contradiction ; car comme qu’on s’y prenne tout gène dans l’exécution d’une volonté désordonnée.

Il n’y a donc point de liberté sans Lois, ni où quelqu’un est au-dessus des Lois : dans l’état même de nature l’homme n’est libre qu’à la faveur de la Loi naturelle qui commande à tous. Un peuple libre obéit, mais il ne sert pas ; il a des chefs et non pas des maîtres ; il obéit aux Lois, mais il n’obéit qu’aux Lois et c’est par la force des Lois qu’il n’obéit pas aux hommes. Toutes les barrières qu’on donne dans les Républiques au pouvoir des Magistrats ne sont établies que pour garantir de leurs atteintes l’enceinte sacrée des Lois : ils en sont les Ministres non les arbitres, ils doivent les garder non les enfreindre. Un Peuple est libre, quelque forme qu’ait son Gouvernement, quand dans celui qui le gouverne il ne voit point l’homme, mais l’organe de la Loi. En un mot, la liberté suit toujours le sort des Lois, elle règne ou périt avec elles ; je ne sache rien de plus certain.      
                      Jean-Jacques Rousseau, Lettres écrites de la montagne.

           

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miércoles, 4 de noviembre de 2015

ARISTOTE. ÉTHIQUE


1- La conception de l’âme chez Aristote

L’âme est définie par Aristote comme la force qui meut et qui régit le corps. Elle est composée de trois couches (régions, parties):
 -L’âme végétative. Fonctions de nutrition et reproduction. Partagée par tous les êtres  
                                vivants: plantes, animaux et humains.

 -L’âme sensitive. Faculté et fonctions de sensation, mémoire et mouvement. Partagée
                                par les animaux et les hommes.

 -L’âme intellective ou rationnelle. La capacité de vouloir et la capacité de connaissance.    
                               Elle est exclusive des humains.

Pour Aristote, la RAISON est donc la capacité spécifique de l’âme humaine et de l’être humain.


2- Le Bonheur

Le but qui doit guider le comportement humain est le bonheur. Mais, qu’est-ce que le bonheur?. Pour Aristote le bonheur n’est pas le plaisir, ni les richesses, ni l’honneur. Aristote définit le bonheur de la façon suivante:
    “Le bien pour l’homme, le bonheur consiste dans une activité* de l’âme en accord
     avec la vertu*”

*Activité. De toutes les activités de l’âme, la plus élévée est l’activité contemplative (la connaissance théorique, la philosophie). Cette activité est celle qui produit le plus grand bonheur. Mais il y a beaucoup d’autres activités capables de prpoprtionner le bonheur, bien qu’à un degré moindre.

*Vertu. La vertu est pour Aristote ce qui ajoute de la perfection à une activité. Exemple: Entre l’activité du musicien et celle du bon musicien, il y a la vertu ou perfection du métier. De la même façon, entre l’homme et l’homme bon, il y a la vertu humaine.

3- La Vertu

Il y a pour Aristote deux types de vertu, la vertu éthique ou morale et la vertu  intellectuelle.

-Les Vertus éthiques ou morales.

Ces vertus consistent en maîtriser les tendances de l’âme sensitive.
Les vertus éthiques sont des habitudes acquises de façon volontaire par la répétition d’actes. L’home est predisposé à apprendre en répétant un même acte de nombreuses fois. Ainsi, c’est en pratiquant les actions virtueuses que nous devenons virtueux. (Le cercle virtueux) De la même manière, c’est en repétant les actions vicieuses que nous devenons vicieux. (Le cercle vicieux).
La vertu suppose de la proportion, un “Juste Milieu” entre deux extrêmes vicieux. Chacune des vertus est une excellence consistant dans la juste mesure entre un excès et un défaut.
Exemples de vertus et de vices:


Domaines
Défaut
Vertu
Excès
Plaisir
Insensibilité
Tempérance
Débauche
Peur
Lâcheté
Courage
Témérité
Colère
Apathie
Sang-Froid
Irascibilité
Richesse
Avarice
Libéralité
Prodigalité
Honneurs
Pusillanimité
Magnanimité
Vanité
Vérité
Dissimulation
Franchise
Jactance
Sympathie
Rusticité
Affabilité
Bouffonnerie


Il ne s’agit pas d’un milieu arithméthique mais relatif par rapport à l’action et par rapport à l’individu:
-Par rapport à l’action. Il y a des actions où le milieu est plus proche de l’excès et d’autres  ou le milieu es plus pproche du défaut
-Par rapport à l’individu. Pour chaque individu le milieu sera différent en fonction des circonstances.

La vertu éthique est liée à la Raison. C’est celle-ci qui signale le défaut et l’excès qui doivent être évités por¡ur atteindre le juste milieu.

-Les Vertus Intellectuelles

Elles appartiennent à la partie rationnellle de l’âme. Aristote affirme que la raison a deux fonctions, la connaissance théorique et la connaissance pratique. Il y aura aussi deux vertus correspondantes. La vertu propre de la raison pratique est la prudence et celle de la raison théorique est la sagesse.

La sagesse est en rapport avec les réalités les plus élevées et son exercice continu, la contemplation, constituerait pour Aristote, comme nous avons vu, le bonheur parfait.

La prudence est la qualité pratique de l’entendement grâce à laquelle il délibère correctement en vue d’agir bien. La prudence accorde à l’homme la vraie connaissance éthique, savoir à chaque moment et à chaque circonstance avec précision comment il doit agir en vue de son bonheur. Son rôle est donc décisif pour le comportement humain, mais elle seule ne suffit pas : pour être prudent l’homme nécessite avoir acquis aussi les vertus éthiques. Si les vertus éthiques garantissent la rectitude de la fin que l’homme se fixe pour sa vie, la prudence oriente son action vers cette fin.